Influence et RGPD : personne n’est à l’abri d’une pénurie de data

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Les restrictions consécutives à l’entrée en vigueur du RGPD risquent de rendre le secteur de l’influence marketing moins accessible, avec plus de barrières à l’entrée.

( Cette tribune de Quentin Bordage a été reprise dans le Journal du Net du 27/06/2019 )

Dans un monde toujours plus connecté, la data abonde. Les entreprises (de la startup aux grands groupes) ont appris à la collecter, à l’organiser et à la retranscrire intelligemment pour ne pas noyer leurs décideurs sous des informations inutiles.

C’est aussi le cas dans le secteur de l’Influence Marketing où la data collectée sur les réseaux sociaux est devenue stratégique. Elle permet désormais de choisir de manière rationnelle les K.O.L (Key Opinion Leaders) les plus adaptés aux marques et à leur cible et de mieux mesurer le R.O.I des campagnes pour les optimiser. À l’heure de la RGPD et de la superpuissance des GAFA[1], une menace plane sur ce nouveau média en hypercroissance. Et s’il y avait, demain, une pénurie de données ?

La data, le nerf de l’Influence Marketing

La data est désormais le nerf de la guerre dans toutes les industries et cela est particulièrement vrai dans la MarTech (Marketing Tech) où tout tend à se digitaliser. L’Influence Marketing est au cœur de cette tendance : elle a basé son développement sur la profusion de données permise par la toute-puissance des réseaux sociaux. Facebook (2,4Mrds d’utilisateurs mensuels actifs), Youtube (1,9Mrds), WeChat (1Mrd) ou encore TikTok (500M) offrent une source illimitée d’informations sur l’intégralité des consommateurs dans le monde… Une véritable mine d’or. 

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Grâce à la data des réseaux sociaux, encore mieux que pour n’importe quel autre média, les professionnels du marketing peuvent réaliser du ciblage précis de communautés. Ils peuvent notamment analyser les centres d’intérêts des followers des K.O.L, leurs caractéristiques socio-démographiques (genre, âge, localisation géographique,…) ou encore les langues dans lesquelles ils s’expriment. (pour plus d’informations voir la plateforme Kolsquare.com qui recense +1M de profils d’influenceurs dans le monde entier)

Grâce à la data, nous pouvons, comme sur un site de rencontres, choisir les influenceurs qui ont la plus grande affinité avec une marque, un secteur ou une thématique. Grâce à la data, nous disposons de données précises sur les habitudes des fans (à quel moment ils se connectent et interagissent) ou sur leurs comportements (quels types de contenus les engagent). Enfin, grâce à la data, des outils automatisés peuvent : 

● Analyser les engagements liés à chaque contenu posté par les influenceurs d’une campagne 

● Agréger ces mêmes contenus pour calculer simplement le R.O.I (du Earned Media Value jusqu’aux ventes qui peuvent être trackées dans certains cas) 

● Optimiser la campagne en l’ajustant en permanence ou en la soutenant en “paid” (médiatiser, via la data, les posts auprès de cibles choisies). 

Cet eldorado marketing n’en est théoriquement qu’à ses balbutiements tant l’industrie est récente et le champ des possibles ouvert. 

D’un côté, le potentiel semble grandissant. En témoignent les récentes initiatives de “challengers” comme SnapChat ou TikTok en matière de création d’API (les interfaces permettant, ici, à des tiers d’accéder aux données des réseaux). Également, la stratégie de réunification de Messenger, Instagram et WhatsApp par Mark Zuckerberg dont le but est d’optimiser son gisement de données. 

La source se tarit ou l’effet combiné de la RGPD et de la stratégie Zuckerberg 

Entré en vigueur en mai 2018, le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) a impacté les GAFA en remettant en cause leurs business models publicitaires basés sur le profilage. Ce sont également tous les acteurs de leur écosystème, notamment dans l’Influence Marketing, qui ont dû refondre leurs process de collecte des données. Ce phénomène provoquant bien souvent une perte d’innombrables données précieuses et, dans le meilleur des cas, une dégradation de la granularité  de la data disponible. 

Et puis, il y a un homme dont chaque décision impacte l’avenir de l’Influence Marketing : le tout puissant fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg. Dans une industrie qui réalise plus de 50% de son chiffre d’affaires auprès d’un seul groupe (40% sur le seul Instagram en 2018, soit +2Mrds$ – source Kolsquare), chaque évolution de sa stratégie a d’énormes répercussions. 

Pris dans la tempête du scandale “Cambridge Analytica” sur le respect de la vie privée des utilisateurs, incité par l’État mais aussi par la pression populaire, Facebook a limité drastiquement l’accès aux données pour les applications tierces. Le géant américain a également choisi de se positionner sur le marché de l’Influence Marketing et de “prendre sa part du gâteau”. En témoigne fin 2018, le lancement de sa plateforme d’influenceurs en version béta aux États-Unis. Également, la limitation progressive des données visibles sur ses applications (comme par exemple l’affichage des likes sur Instagram) ou accessibles via son API. 

En modifiant sa stratégie et en choisissant désormais au compte-gouttes des “partenaires” pouvant accéder à sa data, Facebook a forcé, du jour au lendemain, de nombreuses sociétés à mettre la clé sous la porte… Faute de data. Et dire qu’en 2011, il était même possible d’accéder à l’intégralité des données Facebook d’un utilisateur en quelques clics… 

La jeune industrie de l’Influence Marketing doit aujourd’hui intégrer au mieux les données utilisateurs potentiellement toujours plus abondantes sur les réseaux sociaux, mais aussi résister à la pénurie de data dans l’étau de la RGPD et d’un Facebook tout puissant. Non, il n’y aura jamais pénurie de data mais les restrictions vont rendre le secteur de l’Influence moins accessible, avec plus de barrières à l’entrée. Et seuls les acteurs qui sauront mixer l’innovation technologique permanente avec une approche créative et personnalisée basée sur l’humain pourront tirer leur épingle du jeu.

Quentin Bordage est le fondateur et CEO de Brand and Celebrities et Kolsquare.

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