Faire éclore de nouvelles stars du rugby français — Mode d’emploi
Lors de son élection à la présidence de la Fédération Française de Rugby en décembre 2016, les propos de Bernard Laporte ont fait grand bruit : “Aujourd’hui, les gens parlent encore de Chabal, de Michalak, de Dominici mais on ne parle pas des joueurs de l’équipe de France actuelle. Quand je vois la qualité des ceux que nous avons, je me dis que nous devons être meilleurs dans leur communication. On doit les utiliser”.
La jeune génération peine-t-elle réellement à séduire les marques et le public ?
Comment faire éclore de nouvelles stars au sein du rugby français ?
Il apparaît évident que Sébastien Chabal reste l’incontournable chouchou des marques (il comptabilise plus de 26 partenariats depuis 2000), par comparaison avec les joueurs actuels du XV de France qui suscitent moins d’enthousiasme et sont moins connus.
Pour les marques, l’attractivité d’un “retraité” comme Sébastien Chabal se mesure avant tout à son niveau de notoriété qui est le plus élevé parmi les joueurs de rugby en France, en activités ou retirés des terrains.
Ci-contre le Top 20 des rugbymen français classés par Celebrity Score ®, un indice sur 100 calculant la notoriété des célébrités. Basé sur des algorithmes développés par les équipes Brand and Celebrities, cet indice permet de mesurer de manière objective et en temps réel l’évolution de la notoriété des personnalités connues en aspirant les données du web.

Mais malgré des Celebrity Score ® inférieurs à ceux des plus “anciens”, de nombreux partenariats existent entre la nouvelle génération de rugbymen et des annonceurs qui ont identifié leur pouvoir d’influence. A titre d’exemple :
· Jules Plisson (Renault en 2016, Eat Fit et Dim en 2015)
· Henri Chavancy et Brice Dulin (PMU en 2016)
· Wesley Fofana et François Trinh Duc (Beats by Dre en 2015)
· Yoann Huget, Fulgence Ouedraogo et Maxime Mermoz (Dim en 2015)
Quels sont les ingrédients nécessaires à l’éclosion d’une star médiatique du rugby ?
Trois ingrédients doivent être réunis pour que les annonceurs s’intéressent de près à une célébrité, et en particulier à un joueur de rugby
Une personnalité hors du commun
De tout temps, le Celebrity Marketing s’est appuyé sur des personnalités très fortes, si possibles élégantes, belles, et avec du charisme. Les marques vont rechercher des célébrités auxquelles les consommateurs (leur cible) vont s’identifier, auxquelles le grand public aimerait ressembler, et avec lesquelles il y aura une aspérité permettant de construire une histoire.
Ces dix dernières années, si de nombreuses marques se sont associées à des rugbymen comme Frédéric Michalak, Vincent Clerc ou encore Dimitri Yachvili, c’est donc en partie pour leur physique avantageux.
De la même manière, le succès de l’icône Sébastien Chabal auprès des marques est lié à son charisme ainsi que son physique hors du commun.
Parmi la génération actuelle, de nombreux joueurs ont un potentiel qui est pour l’instant assez peu exploité par les marques. Je pense notamment à des joueurs comme Wesley Fofana, Maxime Machenaud, Yoann Huget, ou encore le jeune Baptiste Serin.
La performance dans la durée
La capacité à être présent et incontournable sur la durée en sélection, accroît naturellement la notoriété et la crédibilité des joueurs. Fabien Pelous qui comptabilise 118 sélections, ou encore Christophe Dominici, en sont des exemples remarquables. Ils ont cumulé les partenariats, et continuent à entretenir une relation étroite avec de nombreuses marques.
Les joueurs de la génération actuelle ont les plus grandes difficultés à maintenir cette performance sur la durée. Les cadences surhumaines du rugby moderne épuisent les joueurs qui ont du mal à briller toute l’année et qui se blessent beaucoup plus fréquemment que leurs ainés. Sans compter l’augmentation des gabarits des joueurs (et donc de l’intensité des chocs) qui a augmenté significativement le risque de blessures. Ainsi, un Wesley Fofana qui est probablement l’un des meilleurs joueurs du monde à son poste, manque le tournoi des VI Nations 2017 pour une énième blessure. Quelques mois avant, c’était Jules Plisson qui manquait la Coupe du monde en Angleterre pour cause de blessure alors qu’il commençait à s’imposer comme titulaire à son poste. On ne l’a plus revu porter le maillot du XV de France depuis.
Au-delà des performances individuelles, c’est la sous-performance de l’équipe de France depuis plusieurs années qui réduit l’opinion positive du grand public à l’égard des joueurs actuels, et donc leur attractivité pour les marques.
La médiatisation
En plus de la personnalité et de la performance, c’est la médiatisation de la personnalité qui la rend attractive pour une marque.
La forte médiatisation actuelle du rugby à la télévision, contribue indéniablement au phénomène de starification et de popularité des joueurs (merci Canal+, France Télévisions ou plus récemment SFR 🙂
A l’ère des réseaux sociaux, la notoriété passe aussi par une présence hors des médias traditionnels. Les réseaux sociaux sont ainsi devenus incontournables.
Un buzz est parfois à l’origine d’une médiatisation massive immédiate. Ainsi, la viralité internationale de la vidéo du plaquage de Sébastien Chabal sur Ali Williams a sans aucun doute participé à la création du phénomène marketing.
Enfin, la publicité contribue parfois elle-même à médiatiser un joueur (dans ce cas, la médiatisation entretient la médiatisation). Elle permet aux rugbymen d’améliorer leur notoriété spontanée auprès du grand public, et de transcender leur sport.
Aujourd’hui, trop peu de joueurs de rugby professionnels ont mis en place une démarche organisée pour entretenir leur médiatisation, notamment sur les réseaux sociaux. La plupart sont présents sur les réseaux sociaux, mais de manière peu significative : les bases de fans restent encore très réduites par rapport à d’autres catégories de célébrités. Par ailleurs, ils maitrisent souvent mal leur communication (fréquence, et contenu), et créent peu d’engagement.
Qui sont les espoirs médiatiques du rugby français ?
Difficile à dire aujourd’hui tant que l’équipe de France ne redevient pas une nation majeure (elle est actuellement seulement 8ème au classement IRB) et que les cadences sont toujours aussi élevées.
La mise en place de contrats fédéraux, actuellement en discussion, devrait permettre de résoudre une partie de l’équation.
À mon sens, quatre joueurs ont le potentiel pour devenir les futures stars médiatiques de l’ovalie française :
Wesley Fofana, qui a déjà séduit certaines marques au début, mais qui peine à confirmer du fait de ses blessures récurrentes.
Jules Plisson pour sa part, a aussi un très fort potentiel auprès des marques, mais sa blessure à l’aube de la Coupe du monde 2015 a fragilisé sa notoriété. Alors qu’il arrive à la 24e place dans le classement des rugbymen par Celebrity Score, avec un score de 53,36, il reste toutefois un candidat prometteur pour des partenariats d’endossement.
Quant à Yoann Huget, si les marques peuvent parier sur son physique plaisant, ses blessures à la veille d’évènements clés (comme la Coupe du Monde 2015) restent un frein à l’accession du statut de star du rugby pour les marques.
Enfin, à 22 ans et encore peu sollicité par les annonceurs, Baptiste Serin semble concentrer l’ensemble des critères pour devenir une star médiatique, qu’il saura certainement développer dans l’avenir, s’il arrive à confirmer au niveau international et qu’il fait les bons choix de gestion d’image.
Publié dans: Influence